En mars 2020, alors que le confinement se mettait en place, j’ai commencé mon argumentaire et rassemblé mon équipe fondatrice.
Même si nous avions de l’expérience en levée de fonds, cette période n’était pas vraiment… idéale. Mais nous nous sommes quand même lancés.
J’ai commencé à présenter le projet le 24 juin, j’ai signé une liste de conditions le 17 juillet et en août, j’ai obtenu 3 millions de dollars pour la phase d’amorçage de ma nouvelle entreprise, Most Days, une application sociale favorisant les comportements sains et le soutien communautaire. Cette phase a été menée par Freestyle.VC, avec la participation de Harrison Metal, Village Global et Correlation Ventures.
Comme de nombreux autres fondateurs, j’appréhendais un peu de lever des fonds au beau milieu d’une pandémie, mais le plus incroyable, c’est que le processus était pratiquement le même qu’avant la pandémie. Tous les éléments étaient présents : l’importance de raconter une belle histoire, cibler les bons investisseurs, anticiper les questions difficiles.
Je ne prétends pas être un expert, alors faites comme pour un buffet : prenez ce qui a l’air bon, laissez le reste.
Mon processus étape par étape pour lever des fonds d’amorçage
Étape 1 : apprendre la différence entre pré-amorçage et amorçage
Quelle est la différence entre le pré-amorçage et l’amorçage ? J’ai été investisseur providentiel dans un certain nombre de levées de fonds d’amorçage, essentiellement pour des amis et d’anciens collègues. Mais la notion de « pré-amorçage » était nouvelle pour moi et j’ai également été surpris de voir à quel point la barre était haute pour un amorçage.
Réfléchissez aux différences entre ces deux concepts en ce qui concerne le capital levé et la traction précoce.
- Pré-amorçage : il s’agit d’un prototype ou d’une version alpha, avec peu d’utilisateurs réels voire aucun, permettant de lever généralement entre 250 000 et 1,5 million de dollars.
- Amorçage : phase impliquant une version bêta avec des utilisateurs et/ou des revenus réels, permettant généralement de lever des fonds supérieurs à 1,5 million de dollars.
Parfois, comme c’était le cas pour nous, si les parcours des fondateurs sont convaincants, il est possible de lever un capital d’amorçage avec un profil de traction de pré-amorçage.
Ensuite, vous devez prendre une décision concernant le type de société d’investissement à cibler : spécialistes de l’amorçage ou multi-phase. Certaines de ces sociétés mènent uniquement les phases d’amorçage, tandis que d’autres se concentrent sur les séries A ou sur les phases d’amorçage et de série A. Les nombreuses sociétés consacrées exclusivement à l’amorçage comprennent entre autres Freestyle, Harrison Metal et First Round. Les sociétés multi-phase interviennent à tous les niveaux du financement pré-IPO, du pré-amorçage à la série D+ incluse. Nous pouvons citer ici Sequoia, General Catalyst, Kleiner et Accel.
Si vous recherchez du capital d’amorçage, votre objectif est de générer un dynamisme commercial suffisant pendant la phase d’amorçage pour lever une série A auprès d’un investisseur de haute qualité comme Benchmark ou Sequoia. Voilà exactement la raison pour laquelle j’ai voulu privilégier un spécialiste de référence en matière d’amorçage plutôt qu’une société multi-phase.
Mon ordre de priorité est le suivant :
- Spécialiste de l’amorçage de premier plan
- Société multi-phase de premier plan
- Spécialiste de l’amorçage de niveau moyen
- Société multi-phase de niveau moyen
Étape 2 : peaufiner votre histoire et créer votre argumentaire
Pour faire bref : l’argumentaire est avant tout l’occasion de raconter une histoire. En effet, bien qu’un dossier commercial soit intégré à cette histoire, c’est le récit en soi qui en est la clé. Un dossier commercial, si convaincant soit-il, perdra de son efficacité sans une histoire qui présente avec succès les éléments de base :
- Quel est le problème ?
- Quelle est la solution ?
- Pourquoi vous et votre équipe êtes les meilleurs pour apporter la solution ?
- Pourquoi le marché est-il prêt à recevoir cette solution maintenant ? (Il faut arriver au bon moment, ni trop tôt ni trop tard.)
- Quelle est la taille du marché ?
- En cas de réussite, comment allez-vous créer une entreprise en mesure de répondre au marché ?
Le modèle d’entreprise d’une société de capital-risque joue également un rôle important ici. Si une société est rentable (et nombreuses sont celles qui ne le sont pas), la majorité de ses investissements ne rapportent quand même rien. Seul un nombre réduit de gagnants (parfois même un seul) parviennent à compenser les erreurs et à engendrer un peu de bénéfices. Vous devez clairement démontrer comment vous allez créer une très grande entreprise. Autrement, elle ne convaincra pas les investisseurs en capital-risque.
(Consultez mon dossier ici. Même s’il n’est pas parfait, il peut servir d’exemple.)
Le petit plus DocSend : une fois que vous avez déterminé l’histoire que vous souhaitez raconter, vous devez créer votre dossier de façon à la raconter rapidement. D’après nos données, une société de capital-risque consacrera en moyenne 3 minutes et 27 secondes à un argumentaire de financement d’amorçage. Et encore, c’est assez long. Un argumentaire réussi doit être plus court. En effet, lorsque tout le contenu de votre dossier suit une logique et que votre histoire est claire, il est facile à lire. Une société de capital-risque standard consacrera environ 2 minutes à lire un argumentaire réussi. Dans ce laps de temps, les investisseurs doivent pouvoir comprendre tout ce qu’ils ont besoin de savoir pour vous prendre sous leur aile. Le temps moyen que les sociétés d’investissement ont consacré à la lecture de l’argumentaire de Most Days était de deux minutes.
Étape 3 : créer votre liste d’investisseurs à cibler
Vous avez besoin d’un investisseur cible vous permettant d’exécuter un processus stratégique. Vous trouverez mon modèle ici.
Description détaillée de chaque colonne
- Investisseur : il ne s’agit pas juste d’une société. Vos investisseurs doivent croire à l’espace que vous souhaitez occuper ou avoir un lien avec cet espace.
- Voie d’approche idéale : comment allez-vous entrer en contact avec chaque investisseur ? N’y réfléchissez pas trop. Si vous avez des liens en commun, utilisez-les et sinon, allez-y sans détour.
- Soutiens : il s’agit des personnes qui peuvent vous recommander auprès d’un investisseur en cours de processus. Elles peuvent également intervenir si votre voie d’approche ne fonctionne pas.
- Phase d’investissement la plus courante : un investisseur de phase finale ne signera pas de chèque pour votre amorçage. L’amorçage peut faire partie de la minorité des transactions de certaines sociétés. Vous devez disposer de ces informations avant de vous lancer dans votre processus.
- Mener ou suivre : de nombreux investisseurs préfèrent ne pas mener ; ils ne valorisent pas les tours de financement. Concentrez-vous d’abord sur les investisseurs qui mèneront votre tour.
- Séquence : classez vos investisseurs dans l’ordre dans lequel vous souhaitez effectuer votre présentation. Il peut ne s’agir que d’une orientation, ce n’est pas grave.
- État : traitez votre processus comme un pipeline de prospects pour les ventes. Gérez vos conversations en fonction de la probabilité de conclusion. Rappel : il suffit d’en réussir une seule.
Étape 4 : programmer vos présentations de façon stratégique
Russ, DG de DocSend, m’a donné un bon conseil à un moment critique en avril, alors que l’impact du confinement était toujours incroyablement incertain.
« Programmez 30 présentations sur une période de deux semaines, un mois à l’avance. Si vous ne parvenez pas à trouver un chef de file au bout de 30 réunions, il faudra réaliser de sérieux ajustements », m’a-t-il confié. Et il avait raison.
Pour moi, c’est la création de séquences stratégiques qui a fonctionné : classer les investisseurs potentiels du plus souhaité au moins souhaité. Ma liste comportait 56 sociétés susceptibles de pouvoir mener sur un total de 118 individus et sociétés.
Ensuite, je me suis concentré sur mes 30 préférées. J’ai programmé la présentation en commençant par les sociétés situées entre le 15e et le 30e rang, dans l’espoir de perfectionner mon argumentaire avant de passer à celles de la 1re à la 15e position pour la deuxième moitié de mes deux semaines de présentation. De cette façon, j’ai pu présenter mon argumentaire à mes cibles prioritaires après l’avoir répété plusieurs fois et avoir gagné en confiance dans la façon de raconter mon histoire.
Par ailleurs, il s’agit aussi d’un bon moment pour intégrer des investisseurs providentiels et de petits chèques de sociétés qui ne mèneront pas le tour dans le groupe de financement.
Le petit plus DocSend : d’après notre rapport, en 2015, les fondateurs levant des fonds d’amorçage ont contacté en moyenne 58 investisseurs et ce chiffre est passé à 77 investisseurs contactés en 2019. Par rapport à 2015, les fondateurs contactent davantage d’investisseurs, mais organisent le même nombre de réunions. Sur ces deux années-là, les fondateurs ont obtenu en moyenne 40 réunions avec des investisseurs pour conclure leur tour d’amorçage.
Étape 5 : présenter, présenter, présenter (et encore présenter)
Répéter, répéter, répéter, tel était mon mantra.
Chaque présentation engendre des réactions explicites ou implicites. Vous avez de grandes chances de retrouver les mêmes préoccupations au sujet de votre dossier d’une réunion à l’autre. Une fois que vous commencez à voir émerger une tendance dans les réactions, révisez votre récit de sorte à tenir compte des questions et des préoccupations.
Au cours de ce cycle intensif de présentation, je prenais chaque soir le temps d’ajouter, de modifier, de supprimer ou de réorganiser les diapositives en fonction de ce que j’avais entendu et de ce qui semblait logique. À un moment, vous verrez que votre dossier fait de l’effet, comme pour moi, vous verrez que vous répondez aux questions ou aux préoccupations avant même qu’elles ne surviennent. Vous le verrez.
J’ai utilisé DocSend pour envoyer mon argumentaire en profitant de ses fonctionnalités d’analyse et de sécurité. Une société l’a partagé avec des tiers sans me demander mon avis. Mais heureusement, DocSend m’a permis de désactiver le lien. Sans DocSend, mon dossier aurait été diffusé à mon insu par un investisseur peu scrupuleux.
Remarque pratique à propos des présentations sur Zoom : vous devrez probablement alterner entre l’affichage des participants à la réunion, de votre dossier et de vous-même. Privilégiez le face-à-face, car ces investisseurs misent vraiment sur vous, plus encore que sur l’entreprise. Faites en sorte de faciliter la procédure. Envoyez le dossier à l’avance, accompagné d’un bref résumé, et structurez la présentation comme un sandwich de diapositives. Autrement dit, les diapositives que vous présentez doivent être intercalées entre deux segments de discussion en face-à-face.
Par exemple :
- Présentations + parler de vous (10 minutes) : face-à-face
- Passer le dossier en revue (15 minutes): diapositives
- Conversation active, questions et doutes (reste du temps) : face-à-face
En personne ou sur Zoom, les meilleures réunions sont toutes les mêmes : elles ne dépendent pas exclusivement du dossier. Elles finissent par devenir des discussions actives de questions clés et de doutes. D’ailleurs, lors de mes meilleures présentations (dont certaines ont débouché sur des partenariats complets avec des sociétés réputées de la Silicon Valley), je n’ai présenté aucune de mes diapositives. J’insiste : effectuer une présentation sans avoir recours à une seule diapositive et en entretenant simplement la conversation peut être positif.
Comment savoir si la réponse sera négative ? Les signes négatifs sont faciles à lire : l’absence de suivi immédiat et actif veut dire non. S’ils veulent travailler avec vous, vous aurez de leurs nouvelles.
Le petit plus DocSend : chez DocSend, nous avons créé le réseau de levées de fonds DocSend qui met en relation des fondateurs de premier ordre avec des investisseurs en capital-risque pouvant diriger leurs tours de financement. Lors du processus de sélection, chaque argumentaire est évalué à l’aide de notre analyseur d’argumentaire fondé sur des données. L’analyseur repose sur notre analyse de milliers de dossiers et de millions d’interactions sur l’ensemble de notre plateforme. Nous avons relevé ces données et les avons réduites à 11 critères qui, selon nous, peuvent faire en sorte qu’un argumentaire mène ou non à une réunion, puis à une liste de conditions. En envoyant leur argumentaire, qu’il aboutisse ou non à un accord avec des investisseurs, les fondateurs reçoivent chacun un feedback objectif et fondé sur des données.
Étape 6 : générer de la demande et une dynamique
Au début d’un processus, vous ne bénéficiez d’aucun effet de levier. Vous avez besoin d’argent, mais vous n’avez pas encore créé de demande. En créant de la demande, vous créez un effet de levier pour vous-même. Vous utilisez cet effet de levier pour optimiser le prix et la qualité de l’investisseur. C’est un peu comme le problème de la poule et de l’œuf, car de nombreux investisseurs semblent enthousiastes uniquement une fois qu’ils savent que d’autres le sont aussi (c’est le syndrome FOMO, la peur de rater quelque chose).
Vous savez que vous avez obtenu le soutien d’un investisseur lorsque celui-ci signale qu’une liste de conditions est en cours d’élaboration ou vous propose verbalement des conditions avant d’envoyer une liste (remarque : certains investisseurs voudront votre engagement verbal avant de vous envoyer les conditions).
Ce signal verbal est un levier que vous pouvez utiliser pour accélérer d’autres conversations. Il vous procure également une excuse pour contacter d’autres investisseurs avec lesquels vous n’avez pas encore discuté et les pousser à programmer une conversation le plus vite possible.
Ne marchandez pas les conditions pendant ces conversations. Vous pouvez dire que votre processus avance rapidement, que vous avez un accord verbal sur des conditions ou que vous attendez des conditions sous peu, mais que vous appréciez toujours de pouvoir discuter avec eux. Insistez sur le fait que vous voulez collaborer pour les aider à arriver rapidement à une réponse.
Après réception de la liste de conditions ou de conditions verbales spécifiques, vous devez dire franchement à cet investisseur que vous devez conclure quelques conversations déjà en cours, mais que vous n’allez pas en entamer de nouvelles. Il s’agit d’une situation délicate : vous avez déjà un « tiens » et vous devez prendre garde à ne pas finir avec juste deux « tu l’auras ».
Tenez ces conversations et concluez-les rapidement. Avec un peu de chance, plusieurs possibilités s’offriront à vous. Et maintenant, le moment est venu d’optimiser les conditions et de choisir un chef de file.
Étape 7 : choisir un investisseur chef de file
Vous devez maintenant choisir un chef de file et signer une liste de conditions.
Si vous avez le choix, commencez par vérifier que l’investisseur convient à votre entreprise. Idéalement, il doit connaître votre domaine et être passionné par le problème que vous tentez de résoudre.
Avant de vous engager, commencez par vous informer sur l’investisseur, idéalement auprès d’autres fondateurs qui ont travaillé avec lui.
Le capital réel que vous recevez d’un investisseur en capital-risque est indifférencié. Autrement dit, ce n’est pas le financement en soi qui le distingue de ses concurrents. Je considère généralement la valeur d’un investisseur en capital-risque selon trois dimensions de qualité (dans cet ordre) :
- Marque : plus la marque est importante, plus il sera facile d’attirer les meilleurs talents. Que vous le vouliez ou non, c’est vrai. Et il n’y a rien de plus important pour le succès d’une start-up que le capital humain. Une grande marque (comme Benchmark) peut aussi renforcer la confiance des clients potentiels.
- Réseau : un bon investisseur sera incroyablement généreux pour vous mettre en relation avec des clients, des candidats et des partenaires potentiels. Bien entendu, c’est à l’entrepreneur de conclure, mais un bon investisseur vous aidera à augmenter aussi bien le nombre que la qualité de vos contacts.
- Conseil : les grands investisseurs ont vu de nombreuses entreprises réussir et encore plus échouer. Plus l’investisseur a d’expérience et de succès, plus la qualité des conseils que vous obtiendrez en cours de route sera élevée.
Étape 8 : boucler le tour de financement
C’est ici que la fête commence. Vous avez signé une liste de conditions et vous avez pris de l’assurance dans votre présentation.
Maintenant, vous pouvez cibler plus bas dans votre liste et chercher à obtenir des chèques plus modestes qui, comme vous le constaterez, viendront beaucoup plus facilement après l’engagement d’un chef de file. C’est une bonne excuse pour parler de votre entreprise à des personnes intéressantes pouvant avoir de l’influence. Quoi qu’il en soit, cela vous permet d’élargir votre réseau et le temps investi en vaut la peine.
J’ai pris beaucoup de plaisir à cette étape.
Je suis ravi et reconnaissant de pouvoir travailler avec des investisseurs providentiels ainsi que d’autres investisseurs et auteurs comme Alex Korb (auteur/neuroscientifique), Antoinette Giedzinkas (Sierra Tucson), Britney Blair (DG, The Clinic), Eric Roza (nouveau DG, CrossFit), Nikhil Krishnan, Noah Lang (DG, Stride Health), Owen Tripp (DG, Grand Rounds), Ross Chanin (DG, Artifact), Ryan Nece (Next Play Capital), Sonia Arrison (100 Plus Capital), Sriram Krishnan (ancien chef de produit, Twitter), Vlad Novakovski (DG, Lunchclub) et Will Smith (Octave Capital).
Il est facile de mettre les investisseurs en capital-risque sur un piédestal et d’exagérer les mythes autour du capital-risque de la Silicon Valley. N’oubliez toutefois pas que même les plus grands investisseurs en phase précoce ont passé une bonne part de leurs carrières sur le front de l’échec. Ils voient régulièrement passer des présentations, la plupart de leurs investissements échouent et ils travaillent constamment avec des fondateurs pour éviter ces échecs dans la mesure du possible. Ils passent souvent beaucoup plus de temps à travailler avec des entreprises qui échouent qu’avec celles qui réussissent.
Comme pour inciter un chien à trois pattes à revenir se promener avec vous, il faut beaucoup d’efforts pour convaincre l’investisseur en capital-risque moyen de se lancer à nouveau. Mais si vous ciblez les bons investisseurs et racontez une belle histoire autour d’un dossier solide, vous y arriverez.
Même en pleine pandémie.